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„Quand on mène un combat, il ne faut pas être tout seul“ // MHD Interview

„Quand on mène un combat, il ne faut pas être tout seul“ // MHD Interview

MHD by Daniel Shaked-9308
MHD by Daniel Shaked-9308
MHD by Daniel Shaked

Il n’y a pas beaucoup de rappeur français, qui – grâce à leur succès musical – trouve leur chemin jusqu’à Vienne. Souvent les différences linguistiques empêchent un concert bien fréquenté. MHD a réussi à transgresser cette barrière grâce à son „Afrotrap“ qui a fait un buzz énorme dans le net. Plus de 100 millions de vue sur Youtube en quelques mois et plus de 200.000 albums vendu plus tard on retrouve Mohamed Sylla dans la Grelle Forelle à Vienne, où il va jouer son premier concert en Autriche dans quelques instants. Un jour auparavant des joueurs du Bayern sont apparus à son concert à Munich. Malgré tout ceci MHD ne prend pas la grosse tête. Au contraire: en face de nous est assis un jeune homme calme, reconnaissant et surtout réfléchi. Dans une conversation sympathique nous discutons de la prise de conscience de la jeunesse par rapport à la politique, du succès de l’Afrotrap et de l’importance de rester soi-même.

Interview: Jérémie Machto
Fotos: Daniel Shaked

The Message: Tu as rencontré les joueurs du Bayern hier?
MHD: Ouais, il y avait Alaba, Renato Sanches et Ribéry.

C’était les premiers joueurs que tu as rencontré de la sorte?
Non. En France il y a d’autres joueurs qui sont venus. À Montréal il y avait Didier Drogba, à Bordeaux il y avait les joueurs du Girondins. Ça arrive régulièrement quand même. Il y a des dates où il y a plusieurs footballeurs qui veulent venir, qui me disent qu’ils veulent passer. Ça se passe comme ça.

Tu arrives à suivre l’actu football pendant les tournées?
Ouais largement. On suit, on a les applications qui vont avec, donc on regarde régulièrement les scores. 

Ça te fait quoi d’avoir vu les stars à la télé, qui maintenant viennent à tes shows?
Ça fait plaisir, ça nous donne un coup de boost. Ça me donne aussi de la motivation de savoir qu’au concert on va voir Ribéry, on va voir Renato Sanches.

Pour introduire le côté musique, je voudrais te montrer un morceau d’un rappeur autrichien et d’un rappeur allemand et j’aimerais savoir ce que tu en penses. (On lance le clip de Raf Camora et Bonez MC – „Ohne Mein Team“. Mais MHD a déjà un doute)
Ah, c’est „Ohne mein Team“?

Exactement! Je voulais savoir ce que tu en penses.
La question on me là posé plusieurs fois. J’aime bien leur délire.

„Pour moi il n’y a pas d’affaire de plagiat ou de copie

Quand tu entends ça, as-tu plutôt l’impression de te faire copier ou tu es flatté parce-que tu as inspiré des gens de faire de la musique similaire à la tienne?
Franchement je suis flatté. Ça veut dire que j’ai été une source d’inspiration à un moment. Et le but de l’Afrotrap, c’est que ça se propage un peu partout, pas qu’en France. Et le fait que ça aille en Allemagne et ici, ça fait plaisir. Donc pour moi il n’y a pas d’affaire de plagiat ou de copie. Au contraire, ça me fait plaisir. Notre but en faisant de l’Afrotrap c’était ça aussi. C’était que ça se propage un peu partout, que tout le monde fasse un peu d’Afro, même si la personne ne vient pas d’Afrique. „Ohne mein Team“ c’est la preuve. Et ça marche très très bien. 

Au „Petit Journal“ (sur Canal+) tu avais également parlé du côté trans-generationelle de ta musique. Donc il y a aussi un côté transculturelle?
Oui exactement, les deux en même temps.

Au niveau trans-generationelle, est-ce que tu as eu des mauvaises critiques? Des vielles personnes qui trouvait que tu ne respecte pas leur traditions?
Non les vieux ils le prennent bien. Sur mon album par exemple j’ai fait un son avec Angélique Kidjo. C’est pas du tout de mon époque et donc c’était un mélange de deux générations différentes et ça s’est très bien passé. Il est apaisant, il y a des bonnes paroles et ça a plu des deux côtés. Pour les jeunes comme pour les personnes plus âgés. 

C’est aussi tout ceux que tu vises?
Oui ca vise tout les deux groupes. 

En visant – et en atteignant – beaucoup de gens avec ta musique, tu as cerainement aussi beaucoup d’influence sur tes écouteurs. Comment gères-tu ça?
Au début, ça c’était assez dure à travailler, comme c’était mon premier projet et la première année où ça a commencé à marcher. Au début on est un peu perdu mais au fil du temps j’ai commencé à capter qu’on a une forte influence. Sur la jeunesse surtout. Voilà il y a plusieurs jeunes qui nous suivent, à travers les réseaux. Dès qu’on est à Paris, ils prennent un peu exemple sur nous. Donc on essaye de faire en sorte de rester droit. De leur montrer les bonnes choses. 

Je laisse la politique au politicien et la musique à nous

En parlant de ton influence sur la jeunesse. Est-ce que tu penses que les thèmes politiques ont une place dans le genre de l’Afrotrap? Puisque c’est plutôt un genre qui fait de la bonne humeur.
Je ne laisse pas passer de message vis-à-vis de la politique. Ça c’est autre chose, ce n’est pas mon domaine, je ne m’y connais pas. Je n’essaye pas d’assimiler ma musique à la politique. Je laisse la politique au politicien et la musique à nous. 

Est-ce que c’est quelque chose qui t’intéresse à l’écart de la musique? Une chose à laquelle tu penses, surtout parce-que les élections présidentiels sont bientôt?
Avant je calculais pas du tout. Mais là je commence à m’intéresser un tout petit peu, mais sans trop m’intéresser. Je suis ce qu’il se passe avec les primaires et tout ça, je suis un peu le discours de chacun, parce-que voilà c’est le futur président et il y a des lois qui vont passer et c’est important d’être au courant. C’est sure que je m’informe un minimum, mais sans trop m’attarder dessus.

Et pour les présidentiels: qu’est-ce que tu penses va se passer?
Aucune idée pour l’instant, franchement.

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Mais tu sens qu’il y a un changement d’atmosphère?
Les jeunes commencent de plus en plus à s’intéresser à la politique. Les plus en plus jeunes même commence à s’intéresser, parce-qu’ il y a des lois qui passent, au niveau du travail et tout ce qui va avec.

Est-ce que c’est une prise de conscience?
On s’en rend compte. Les jeunes remarquent qu’ils ont moins d’avantage que ceux qui étaient là auparavant, donc il réclame plus de choses et donc ils sont obligés de s’intéresser à la politique. 

Avec le buzz que tu as eu sur Internet, il y a surement beaucoup de maison de disque qui t’ont contactée. Comment ça s’est passé? Est-ce que la discussion de signer avec un major a été prise rapidement?
Non ça s’est fait à la dernière minute. Au début c’était un choix qui était indécis. Mais là actuellement je suis encore un indépendant. On est juste en collaboration avec Universal, mais je ne suis pas un artiste d’Universal. Ça s’est fait à la dernière minute. Ils nous ont proposés un bon contrat et on a décidé de s’engager avec eux, de bosser sur deux projets. Le premier projet s’est très bien déroulé et maintenant on va se concentrer sur le deuxième projet. Et j’espère que ça se passe aussi bien que le premier.

Ça sera similaire au premier album où est-ce que ce sera quelque chose d’autre ?
En tout cas je garde le côté et le terme « Afrotrap ». C’est bien de prendre des risques et de tester des trucs sur l’album, mais majoritairement ça sera de l’afrotrap. On me connaît sous cette étiquette. Les gens ont toujours kiffé cette « vibes » et moi je me sens bien dans ce domaine.

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Foto: Lara Heußner

„C’est dur de s’imposer en tant que seul artiste“

Comment on se sent étant le fondateur de tout un genre ? Tu penses qu’il pourra s’établir dans la durée ?
On travaille pour ça. C’est pour ça que ça me fait plaisir de voir des artistes internationales faire de l’Afrotrap. Quand on mène un combat, il ne faut pas être tout seul. Dès qu’on est plusieurs, dans plusieurs pays, c’est là qu’on a un vrai combat. Mais c’est vrai que c’est dur de s’imposer en tant que seul artiste, en tant que « fondateur de l’Afrotrap », et de rester seul. C’est bien d’être accompagné, que ce soit en Allemagne, au Pays-Bas, aux États-Unis…

Tu es en train de faire la tournée de tous ces pays que tu énonces. Je suppose que tu n’as jamais vu autant d’endroit dans une courte durée comme celle-ci. Tu arrives à profiter de tous ces endroits?
On profite au maximum. Ce n’est pas donné à tout le monde de pouvoir faire une tournée en Allemagne, de faire des concerts un peu partout. Franchement on kiffe totalement. Et à travers les réseaux sociaux on peut remarquer qu’après chaque concert on remercie le public. Je crois qu’on est toujours fier de nous, après chaque show.

Tu fais tes animations en français ?
Non je parle un peu anglais. J’essaye (rigole). J’essaye de parler un peu anglais, parce-que le public ne parle pas que français et donc si eux ils prennent le plaisir d’écouter la musique en français on ne va pas en rajouter encore une couche en parlant en français. On essaye de parler un minimum anglais avec nos bases à nous, pour qu’ils se sentent à l’aise aussi. Et pour qu’ils comprennent le message qu’on essaye de transmettre aussi.

Tu penses que les gens comprennent ce message également à travers la musique ? Sans comprendre la langue ?
Ouais, franchement ils comprennent un minimum. C’est dur à comprendre parce-qu’ il y a souvent de l’égo-trip, ce qui est difficile à comprendre, mais pour un morceau comme « Champions League » ils savent très bien que ça fait référence au foot, un morceau comme «Fait le mouv’» c’est un morceau un peu égo-trip, club, ambiance. C’est des facteurs qui leur permettent de s’identifier dedans aussi.

Tu as beaucoup joué en Afrique aussi. Ça t’a donné un sentiment particulier ?
L’Afrique c’était le premier terrain que je voulais toucher. Comme c’est la base de l’Afro Trap, c’était important de faire une tournée là-bas. Ça m’a fait du bien. Ça m’a permis de me ressourcer, d’être sur le terrain, d’apprendre de plus en plus de choses sur la musique africaine et ça m’a beaucoup servis.

Lors de ton concert à l’esplanade de Conakry, tu as dû annuler le show parce-que il y a avait trop de gens.
Oui c’était à « l’esplanade du peuple », une esplanade qui compte 50.000 personnes. Au final il y a eu 200.000 personnes, donc on n’a pas pu jouer. On a essayé deux morceaux, mais ça ne prenait pas vu que le matériel il était là pour 50.000 personnes. Ça veut dire que les gens qui étaient au fond n’entendaient rien. Donc ça poussait, ça poussait, la scène ne tenait presque plus debout et donc on a du annulé pour que ça ne vire pas au drame.

Ça t’a beaucoup déçu, de ne pas pouvoir jouer ou est-ce que tu étais plutôt impressionné par le nombre de gens qui sont venus pour te voir?
Ça m’a beaucoup impressionné. Mais c’est sûr qu’on était déçu de ne pas pouvoir faire le show. Les gens ils n’étaient pas là pour boycotter le concert, ils étaient là parce-qu’ ils voulaient nous voir. On est content parce-qu’ ils sont là, on n’est juste pas content de n’avoir pas pu faire le show.

Y’a pas de changement, pas de chi-chi, pas de grosses voitures

Après le succès de l’album, tu as était l’invité dans de nombreuses talk-show. Qu’est-ce que ça t’as fait de discuter ta musique avec des gens qui ne s’y connaissent pas toujours ou qui ne le prenne pas complètement au sérieux parfois. Tu as dû t’adapter à certaine règle de comportement ?
Moi franchement, je suis quelqu’un d’assez simple. Si je ne veux pas, je ne le fais pas. Tout simplement. Et voilà, je n’essaye pas de me donner une autre image à la télé. Ce qu’on voit à la télé, c’est moi-même au quotidien. C’est mes principes. Je n’ai pas à changer, dans n’importe quel contexte.

Penses-tu que pour eux tu n’étais que là pour leur intérêt, pour leur show ou pour toi ?
Je pense que c’était pour moi. Après je pense que dès qu’on passe à la télé, c’est important de rester soi-même, de ne pas se donner une étiquette. Dès qu’on est hors des caméras et tout ça, dans la rue, les gens savent très bien qu’on est comme on est. C’est très important.

Penses-tu que « rester soi-même » va devenir plus difficile avec plus de succès ?
Avec toutes les étapes qu’on a passé jusqu’à présent, on peut jurer qu’il n’y a pas eu de grands changement. C’est toujours les mêmes. J’ai peut-être vendu 200.000 albums, j’ai peut-être fait un double disque platine, mais on me retrouve toujours au quartier, on me retrouve toujours avec des tongues (montre sur ces pieds). Y’a pas de changement, pas de chi-chi, pas de grosses voitures… Dès que j’ai pas de concert on passe à Paris, je passe au quartier, je suis toujours là-bas. Ca veut pas dire que je vais me prendre un appartement dans le 16ème. Non. Je reste au base.

 MHD by Daniel Shaked-9308